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«C’est l’intérêt du client final qui doit être au cœur de nos préoccupations»

La société commerciale de pierres précieuses Abouchar SA fête cette année ses 40 ans. Son fondateur, Charles Abouchar, est le président de l’Association Suisse des Négociants en Pierres Précieuses (ASNP) depuis une quinzaine d’années, ainsi que le président de la commission pour les pierres de couleur de la Confédération Internationale de Bijouterie, Joaillerie et Orfèvrerie (CIBJO) depuis quatre ans. Entretien sur les évolutions du marché et les objectifs associatifs.

Gold’Or: Monsieur Abouchar, vous vous êtes mis à votre compte il y a 40 ans. Par quel biais étiez-vous arrivé dans ce secteur ?

Charles Abouchar: Avant le lancement de ma propre société, j’avais travaillé pour Bulgari à Genève comme responsable, entre autres, de l’organisation des expositions. Mon père était également actif dans le secteur des pierres précieuses, aussi, j’avais évolué dans ce milieu. A vrai dire, j’étais attiré par le travail à l’étranger mais les obstacles administratifs de l’époque m’avaient découragé et pour finir, l’esprit pragmatique l’avait emporté avec la création d’une entreprise en Suisse.

Qu’est-ce qui était différent à l’époque en comparaison avec aujourd’hui ?

Le marché se présentait de manière tout à fait différente. Bien que j’aie toujours eu une préférence pour les pierres de couleur, j’avais commencé, pour des raisons de facilité, par négocier surtout avec du diamant. Lors du crash du diamant en 1982 et sa chute de prix de plus de 60 pour cent, j’ai accentué ma volonté de travailler plus avec les pierres de couleur.

1996 était l’année de votre reprise de Diastar SA. Comment en étiez-vous venu à cette reprise et plus tard, à la fusion avec Abouchar SA?

L’opportunité de collaborer avec Diastar SA s’était déjà offerte à moi en 1986. L’entreprise était alors connue pour les émeraudes de Sandawana (Zimbabwe). Notre partenariat se renforçait par la suite. En 1989, j’en étais devenu le gestionnaire et en 1996, j’ai pu reprendre l’ensemble de la société. Après le déménagement de Diastar SA de Zurich à Genève en 1999, les deux sociétés ont été fusionnées en 2001 sous le même toit.

« Nous observons aujourd’hui une demande toujours plus forte pour les pierres fines, qui s’explique probablement partiellement par l’explosion du prix des pierres précieuses. »

Comment le marché des pierres de couleur s’est-t-il développé pendant toutes ces années ?

Les diamants, avec les émeraudes, rubis et saphirs représentaient environ 90 pour cent du chiffre d’affaires il y a 40 ans. Depuis environ 20 ans et de plus en plus souvent, bon nombre de pierres fines arrivent sur le devant de la scène. Elles étaient d’ailleurs à l’époque nommées pierres semi-précieuses mais leur appellation a évolué pour une nomination plus correcte: «pierres fines», terme incluant tout sauf les pierres précieuses. Nous observons aujourd’hui une demande toujours plus forte pour les pierres fines, qui s’explique probablement partiellement par l’explosion du prix des pierres précieuses. De notre côté, nous avons eu la chance que cela coïncide avec la volonté que nous avions depuis longtemps de travailler beaucoup avec les pierres fines. Nous proposons une vaste gamme de spinelles, ma pierre favorite, mais en parallèle, nous avons tout un assortiment de pierres de couleur dans n’importe quelles tailles et formes.

Vous êtes aussi engagé dans diverses associations. Depuis 1996, à l’Association Suisse des Négociants en Pierres Précieuses que vous présidez depuis dix ans, ainsi que président de la commission pour les pierres de couleur de la Confédération Internationale de Bijouterie, Joaillerie et Orfèvrerie (CIBJO) depuis 2015. Combien de charges représentent ces rôles ?

Il y a bien entendu des périodes de travail intensif, mais ce secteur a été pour moi source de beaucoup de satisfactions tout au long de mon parcours. C’est pour moi une préoccupation importante d’envisager au mieux l’avenir de notre secteur avec tous ses défis, d’où mon engagement associatif.. De plus, l’échange entre collègues de la profession en dehors de l’activité commerciale est source d’inspiration et d’enrichissement en connaissances.

Opales éthiopiennes de 21,5 millimètres, 96 carats.

Quels sont actuellement les débats à venir ?

Dans le cadre de la CIBJO, nous développons actuellement une App comprenant le contenu du «Blue Book» des Pierres Précieuses en version concise et plus simplifiée pour les acteurs du domaine. Cette année, nous avons mis sur pieds des directives pour le commerce, les «Dos & Don’ts», téléchargeables sur www.cibjo.org. De plus, nous essayons de trouver une solution quant à la diversification des termes en matière de couleurs dans les rapports gemmologiques. Je suis de l’avis que ces appellations ne sont pas du domaine de compétence d’un laboratoire gemmologique. Ce d’autant plus qu’il n’existe pas de norme internationale reconnue pour ces termes. Une option serait de déclarer cette indication de couleur comme indépendante du laboratoire.

N’est-ce pas aller un peu trop loin ?

Je ne le pense pas. Prenez par exemple l’appelation «Piegon’s Blood» pour un rubis, figurant sur certains rapports gemmologiques; elle reflète davantage une opinion subjective qu’une conclusion scientifique. Cela devrait être clairement mentionné pour une meilleure compréhension du client final car cette appellation influence potentiellement le prix de la pierre de manière inconsistante. Il faut toujours recentrer au cœur des discussions l’intérêt et la bonne compréhension du client final.,

A quoi ressemble votre travail quotidien chez Abouchar SA ?

Je passe environ la moitié de l’année à l’étranger, notamment pour visiter nos différents partenaires, que ce soient les tailleries au Brésil et en Thaïlande ou pour l’achat de matière, en Asie, Afrique ou Amérique du Sud. En plus de cela, nous participons à une dizaine de foires professionnelles. A mon avis, le contact direct reste irremplaçable, que ce soit lors de l’achat ou de la vente.

Quelle importance les foires professionnelles ont-elles pour la vente ?

Une très grande importance. Initialement, nous participions uniquement à Baselworld et aujourd’hui nous sommes représentés aux Etats-Unis deux fois par année, à Tucson et Las Vegas mais aussi à Hong Kong, Pékin et Taipei. Bien entendu nous participons encore et toujours à Baselworld mais aussi à Gem genève, qui sera en 2020 en novembre.

Qu’en est-il de la planification de l’avenir ?

J’ai la chance que mon fils Michel ait rejoint l’entreprise en 2013 et qu’il la reprendra en temps voulu. La continuité de la société Abouchar SA est ainsi assurée.www.aboucharsa.ch

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