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L’aigue-marine, le béryl du «Domaine des Fées»

Depuis que la bergère américaine Meghan Markle a dit «oui» au Prince Harry de Sussex, sixième dans l’ordre de succession au trône de sa grand-mère Elizabeth II, il est enfin possible, au commun des mortels, de voir réapparaître quelques joyaux ayant appartenu au coffret à bijoux de feue Lady Diana. Et là, surprise!, brille une admirable aigue-marine que Meghan a portée avec grâce, lors de sa soirée de mariage, le 19 mai.

L’aigue-marine est un béryl magnifique d’un bleu de mer naviguant entre la teinte lumineuse et transparente d’un ciel immaculé et un bleu-vert inspiré de l’océan ou d’un étang anglais un peu vaseux. Cette gemme admirable que l’on voit souvent émerger en de vastes cristaux très transparents, se taille et se décline généralement en vastes «patinoires» ou «piscines» octogonales de plusieurs dizaines de carats. Souvent très grandes, les pierres, serties sur des bagues, ont la tête trop lourde et une fâcheuse tendance à tourner. Ainsi, découvre-t-on qu’un important pourcentage de très jolies femmes possèdent des articulations qu’elles souhaiteraient plus fines et n’aiment pas leurs mains.

Un bijou ayant appartenu à la princesse Diana

Apercevant Meghan s’échapper de la soirée, accompagnée de son prince charmant, en faisant un délicat signe de sa main bijoutée d’aigue-marine, les journalistes mondains se sont perdus en conjectures. Ce serait un cadeau de Harry ou un bijou de famille et peut-être un diamant bleu. Rien de tout cela! Cette bague d’un tendre azur faisait partie d’un set d’aigues-marines, bague et bracelet, que portait volontiers la princesse Diana. On vit apparaître les deux bijoux pour la première fois en 1996, lors d’un dîner de gala en Australie. En 1997, à l’occasion d’une vente aux enchères de ses propres robes du soir chez Christie’s, Diana portait la bague seule. Le premier de ses deux fils qui se marierait, pourrait offrir à sa future épouse la fameuse bague saphir entourée de diamants désormais propriété de Kate ex-Middleton. Harry a choisi dans l’écrin de sa mère le bijou qu’il préférait pour Meghan.

Cette superbe aigue-marineà la teinte soutenue, probablement brésilienne, est sertie dans une broche-clip signée Cartier, aux environs de 1935. Elle est accompagnée de saphirs calibrés et de diamants.

Un peu de bleu

Eva Hartling, vice-présidente de la joaillerie canadienne Birk, marque favorite de Meghan, se doutait bien que la nouvelle mariée porterait «quelque chose de bleu» pour la cérémonie ou durant cette longue journée: «J’avais pensé à un bijou serti de pierre(s) bleu(e)s pour la cérémonie, a-t-elle commenté, mais j’ai trouvé très symbolique qu’elle mette, pour cette soirée, l’aigue-marine de Diana». Ce que ne dit pas Mme Hartling, c’est qu’il est beaucoup plus courant qu’on ne l’imagine que l’aigue-marine soit choisie pour une bague de fiançailles ou de mariage. Moins chère que le diamant ou un beau saphir, l’aigue-marine, quand elle n’est pas trop pâle, a beaucoup de classe. Le chanteur Justin Timberlake s’est même découvert des talents de «créateur» en co-dessinant la bague aigue-marine qu’il a offerte à son épouse, l’actrice Jessica Biel. Il faut dire que la pierre centrale était un diamant de six carats «encadré» d’aigues-marines. Cela change un peu la donne! Néanmoins, ce bijou a été classé par le magazine Vogue, au dixième rang des plus belles bagues de fiançailles de tous les temps (!) offertes à des célébrités. Par contre, si vous avez l’œil rivé sur les journaux féminins, vous avez certainement vu Sharon Stone, Sarah Jessica Parker, Reese Whitherspoon, Lady Gaga ou Elton John porter un bijou avec aigue-marine, pierre de leur mois de naissance: Mars.

Politique et aigues-marines

La reine Elizabeth II, dont le goût pour les joyaux n’est plus à prouver, affectionne particulièrement les aigues-marines depuis qu’en 1953, le président brésilien Getúlio Vargas, lui offrit, en cadeau pour son couronnement, un collier et une paire de boucles d’oreilles sertis de ces doux béryls. Comme l’a divulgué Angela Kelly, l’habilleuse d’Elizabeth II, en s’épanchant sur le fameux diadème d’aigues-marines de la reine: «D’apparence majestueuse, il est néanmoins d’une teinte rafraîchissante et calmante». Le même président Vargas qui, lorsqu’il avait découvert un cadeau qui semblait plaire aux femmes, s’y tenait, avait déjà offert, en 1936, à l’épouse du président des Etats-Unis, Eleanor Roosevelt, une importante aigue-marine sur laquelle elle a même chroniqué dans ses mémoires: «La gemme a servi un bel objectif en symbolisant la bonté et la générosité du Brésil envers notre pays.»

Réalisée au Ier siècle de notre ère, l’intaille de Julie a été gravée dans une aigue-marine de cinq centimètres de haut sur quatre de large. C’est l’une des plus belles gemmes antiques qui nous soit parvenue.

Imagination, légendes et réalités

Surgi des flots porté par de gracieux hippocampes, selon certaines croyances, le béryl bleu-ciel ne trouvera son nom «d’aigue-marine», qui signifie «eau de mer», qu’au XVIIe siècle lorsque Blaise de Vigenère, plus connu pour être un cryptographe de talent, décrira la «couleur» aigue-marine comme un «mélange de blanc et de bleu-turquin» (nuance de bleu foncé). Si la plupart des gens savent que le Brésil est le pays de l’aigue-marine, rares sont ceux qui imaginent que certaines des plus sublimes teintes sont produites sur le toit du monde, l’Himalaya. Au Pakistan, les anciens désignaient les mines pratiquement inaccessibles de Chumar-Bakar ou Chumar-Bakhoor, «le domaine des fées». Si vous êtes voyageur, vous pourrez également la poursuivre au Sri-Lanka, en Inde, au Kenya, Mozambique, Namibie, Nigeria, Tanzanie, USA ou Russie. La liste n’est pas exhaustive !

Cet obélisque d’aigue-marine, nommé le Dom Pedro, est désormais exposé au Musée d’Histoire Naturelle de la Smithsonian Institution à Washington, dans une salle toute proche de celle du célèbre diamant bleu Hope, avec lequel sa teinte peut rivaliser.

Petits rappels

La mine de Santa Maria de Itabira dans l’Etat de Minas Gerais, a engendré, durant plusieurs décennies, des pierres exceptionnelles. Aujourd’hui, elle ne produit plus mais le nom de sa couleur est resté et décrit une très belle qualité. L’aigue-marine la plus célèbre est la «Dom Pedro» d’un azur incroyable et d’une pureté exceptionnelle. Elle pèse deux kilos, a été taillée en obélisque, en 2012, par le talentueux lapidaire allemand Bernd Munsteiner. A Paris, au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale, vous pouvez admirer la plus ancienne aigue-marine, taillée en « intaille», arrivée jusqu’à nous. Réalisée au Ier siècle par le sculpteur grec Evodos, elle représente Julie, fille de l’empereur Titus. Naturellement, elle est la pierre des marins et protège de la noyade.

Catherine De Vincenti

Photo: La presse britannique et internationale fut étonnée de voir Meghan quitter sa soirée de mariage portant une très belle bague aigue-marine ayant appartenu à la mère du Prince Harry. Photo: Le Figaro