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L’heure exacte en Suisse

Au «bon vieux temps», la plupart des ménages suisses suivaient un rituel quasi-religieux juste avant 12 h 30. On enclenchait alors la radio pour entendre le signal horaire de l’Observatoire Cantonal de Neuchâtel. C’est sur cette base qu’on mettait à l’heure les montres-bracelet ou de poche, uniquement mécaniques à l’époque.

Le signal horaire de l’Observatoire était généré par des pendules de précision que l’on synchronisait avec des observations astronomiques. Ce n’est qu’à la fin des années 1940 qu’on se dota d’une horloge à quartz. Sa dérive d’une seconde en mille ans était tolérable. L’Observatoire Cantonal de Neuchâtel fut inauguré en1858. Il avait été créé sur l’instante demande de l’industrie horlogère suisse et avait trois objectifs.

Il s’agissait premièrement de déterminer l’heure exacte par observations astronomiques et de la conserver à l’aide de pendules de précision. Sur cette base on générait des signaux horaires qui étaient transmis aux abonnés par le télégraphe. Deuxièmement les montres et chronomètres déposés à l’Observatoire devaient être observés et certifiés. Il en résulta le fameux Concours d’Observatoire qui fit la vie de l’industrie durant de nombreuses décennies. Il fut éliminé en 1969, après la venue des premières montres-bracelet quartz. Troisièmement l’Observatoire était sensé faire de la recherche astronomique, ce qui était absolument illusoire. La position tout près d’une ville et d’un grand lac était très défavorable.

Le quartz, longtemps ignoré

Les deux premiers objectifs furent atteints sans grands problèmes. Chaque nuit claire on observait le transit d’étoiles marquantes à l’aide de la lunette méridienne, ajustable uniquement en déclinaison. C’est donc sur la base de la rotation terrestre que l’on calculait l’heure locale et l’heure officielle. Elle était conservée par plusieurs pendules de précision dont on connaissait la dérive.

La première horloge à quartz fut mise en route aux USA à la fin des années 1920. Des scientifiques, allemands, britanniques, français et japonais eurent vite fait d’égaler ou même de surpasser la performance américaine. On était dorénavant en mesure de déterminer l’heure avec une erreur d’un dix millième de seconde par jour. Il est surprenant que l’industrie horlogère suisse aussi bien que l’Observatoire de Neuchâtel ayent pu ignorer cette innovation pendant près de vingt ans. Mais lorsque l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich construisit sa première horloge à quartz en 1948, les choses allèrent très vite.

Ebauches SA, le géant du mouvement horloger, fonda Oscilloquartz et se mit à construire des horloges à quartz pour les observatoires. Elles déplacèrent rapidement la détermination astronomique de l’heure. Les horloges atomiques au césium dont l’erreur de marche atteint aujourd’hui une seconde en 30 millions d’années découplèrent en 1967 la seconde de la rotation terrestre. L’Observatoire de Neuchâtel fut fermé en 2007.

Montres radio-pilotées et montres GPS

Des signaux horaires sont aujourd’hui transmis par les émetteurs de télévision. Mais on n’en a que rarement besoin, puisque la plupart d’entre nous portent une montre-bracelet quartz qui ne dérive de guère plus d’une seconde par jour. Les amateurs de haute précision peuvent se payer une montre radio-pilotée. Elle est contrôlée par les horloges atomiques de Brauschweig. De telles montres sont uniquement fabriquées en Allemagne, au Japon et en Chine.

Les montres GPS sont encore plus étonnantes. Elles établissent une fois par jour le contact avec quatre des satellites de navigation américains et se synchronisent sur les horloges atomiques à bord. Des montres de ce genre sont uniquement fabriquées au Japon. Leur erreur de marche est d’une seconde par million d’années. Grâce au GPS, ces montres savent sur quel fuseau horaire elles se trouvent et se mettent automatiquement à l’heure locale.

La recherche fondamentale, la physique des hautes énergies et l’astrophysique ont des exigences de précision quasi-infiniment grandes. C’est pour ces disciplines que l’Observatoire et ensuite l’Université de Neuchâtel développèrent et construisirent en collaboration avec l’Institut Fédéral de Métrologie METAS à Wabern près de Berne, l’étalon de fréquence primaire suisse FOCS-1. Il fut partiellement cannibalisé pour réaliser la version fortement améliorée FOCS-2 (Fontaine Continue Suisse) stationnée au METAS.

L’heure dans un fortin

FOCS-2 compte parmi les horloges du type fontaine d’atomes de césium les plus précises; elle fait une erreur d’une seconde en 30 millions d’années. Grâce à elle, METAS a de bonnes chances de contribuer à l’avenir au Temps Atomique International TAI. A part la recherche au niveau de la mesure du temps, METAS entretient un groupe d’horloges au césium commerciales aussi bien qu’un maser à hydrogène.

Ces horloges se trouvent dans un local climatisé et bien protégé; elles  peuvent être alimentées même en cas de panne de réseau prolongée. La moyenne de leurs signaux forme la base extrêmement stable de l’heure suisse; on l’appelle UTC(CH). Ce signal horaire est à disposition des clients désirant contrôler et régler leurs instruments de mesure temps-fréquence.

UTC(CH) est comparé constamment au TAI via satellite et des liens radio avec d’autres instituts de métrologie. Mais le développement d’horloges toujours plus précises n’est jamais terminé. La génération suivante – les horloges atomiques optiques – sont à présent développées dans de nombreux laboratoires. Leur déviation est déjà inférieure à une seconde en dix milliards d’années.

Photo: La lunette méridienne de l’Observatire de Neuchâtel, exposée au Musée International d’Horlogerie à La Chaux-de-Fonds. Photo: lft