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Ouvrir et fermer, toute une histoire

Soit il est moche, soit il n’est pas pratique, soit vous finissez par dormir avec, car impossible de l’ouvrir sans une troisième main. De quoi s’agit-il? Du fermoir, bien sûr! Oubliez tous vos aprioris et plongez-vous dans 4000 ans d’histoires du fermoir avec l’auteure Anna Tabakhova.

 

Le beau livre intitulé «Le fermoir en bijouterie, 4000 ans d’histoires» est sorti de presse, aux Editions Terracol, il y a tout juste une année. Depuis, son auteure, a parcouru le monde, donnant des conférences, en français et en anglais, sur ce passionnant sujet de niche. De passage à Genève au début octobre, elle a fait «carton plein» à l’invitation du GIA Alumni Switzerland et de la maison Bijoutil qui invitait dans ses locaux. Nous l’avons rencontrée à cette occasion.

Tout débute à Genève

Responsable de logistique internationale, spécialiste en administration des ventes, rien ne prédestinait Anna Tabakhova à écrire, un jour, un livre sur la bijouterie. Amoureuse des pierres et passionnée de géologie, elle a fini par changer de monde pour se consacrer au travail du bijou et réaliser des colliers. C’est à Genève qu’elle découvre, dans une vitrine, un fermoir interchangeable qui devient la pièce maîtresse du bijou grâce à une astucieuse métamorphose de la gemme centrale dans laquelle est inséré, de façon pratiquement invisible, un tube en métal. A l’autre bout, un téton vient se ficher dans le fermail ainsi préparé. Inconnu en France, ce fermoir devient la signature de ses bijoux et le départ de sa recherche sur cet accessoire finalement très méconnu. «En 2013, raconte Anna, le Musée des Arts Décoratifs de Paris m’a demandé une conférence sur l’histoire du fermoir. J’ai donc fait des recherches et j’ai été félicitée pour mes découvertes. Le fermoir a une histoire d’au moins 4000 ans et, en fait de ‹découvertes›, c’est surtout que personne n’avais jamais cherché et creusé le sujet!» Une participante à la conférence surenchérit: «J’enseigne à la HEAD de Genève aux Designers Bijoux et, à chaque nouvelle volée, je soumets le thème. Il y a vraiment de quoi y réfléchir et … de réelles trouvailles à faire.»

Les premiers fermoirs

Fatalement, on brûle de savoir: quel est le tout premier fermoir et de quand date-t-il? «Les premiers colliers ou bracelets à la fois sûrs et assez esthétiques se concluent par un nœud, sourit Anna. Simple et efficace. Aujourd’hui encore, en Inde ou au Moyen-Orient, des colliers de plusieurs rangs de pierres ou de perles sont terminés par des fils dorés, noués. Lors de mes investigations, je me suis trouvée confrontée à des trous historiques et géographiques. Lorsque j’ai enquêté sur cet auxiliaire du bijou à l’Age du bronze ou au temps de l’Egypte ancienne, je n’ai pas choisi la facilité mais on finit toujours par déceler des indices au fond d’une tombe ou sur un hiéroglyphe.»

 

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De nombreux fermoirs anciens et complexes sont décrits dans le livre mais l’auteure parle également des fermoirs couture, bijoux fantaisie, en métal gravé, décorés de strass, verre, perles d’imitations, sulfures, etc. très en vogue au XXe siècle.

«J’ai les fermoirs en horreur!»

Rassurez-vous ça n’est pas l’historienne qui s’exprime ainsi mais Coco Chanel. La «reine du toc» était pleine d’imagination et pour sa fameuse collection de vrais bijoux créée en 1932 et intitulée «Bijoux de Diamants», elle a procédé comme pour la haute-couture: comprendre le bijou, le rendre confortable et élégant, facile à mettre et à enlever, suffisamment sûr et, pourquoi pas, transformable ! «J’ai supprimé les fermoirs!», confie-t-elle,  à l’époque, au journal L’Illustration. Elle imagine alors plusieurs parures qui s’enroulent autour du cou. Et d’ajouter: «Pourtant, mes bijoux peuvent se transformer. Voyez ce collier, vous pouvez en faire à l’instant trois bracelets et une broche.» On reste encore aujourd’hui épatés par le collier «Comète» multi-articulé au niveau de la nuque.

Comment réalise-t-on un tel livre?

«Préparer et écrire une conférence, c’est déjà un assez gros travail, commente l’auteure, mais réaliser un livre, c’est cent fois plus de labeur! Je peux établir un inventaire à la Prévert: 76 contributeurs, 22 musées, des bijoutiers, créateurs et designers de 30 pays, 356 photos et 28 illustrations originales. A quoi il ne faut pas manquer d’ajouter: la demande des copyrights (onéreux), le travail du graphiste, de l’infographiste, de la correctrice, du documentariste (pour trouver les fameux copyrights), du traducteur pour la version anglaise, de l’imprimeur, envoyer les bons à tirer aux 76 contributeurs et faire relire le tout par un juriste pour éviter un éventuel problème futur». Ouf!

Pas de réédition dans l’immédiat

L’accueil du livre a été exceptionnel dans les deux langues. Les musées, les journalistes, les lecteurs n’ont pas tari d’éloges. Moralité, les deux éditions sont pratiquement épuisées et l’écrivain ne souhaite pas rééditer dans l’immédiat. Elle conserve les livres en sa possession pour les signatures à la fin des conférences car elle continue à être demandée un peu partout. Le GIA Alumni Switzerland la happera à nouveau, à Genève, pour une conférence de rattrapage aux membres qui ne s’étaient pas réveillés assez tôt.

Gold’Or, par l’intermédiaire de la soussignée, a été, l’an dernier, la troisième commande adressée sur le site de Terracol et la première commande helvétique. Tentez donc, malgré tout, votre chance à l’adresse suivante: www.editions-terracol.com/fr. Anna Tabakhova adresse le livre dans le monde entier. C’est là que son premier métier continue à lui être bien utile!

Catherine De Vincenti