Des bijoutiers compétents, originaux et dotés d’un savoir-faire 100 pour cent helvétique, ça se trouve.
Mais des bijoutiers qui murmurent à l’oreille des cristaux et découvrent une nouvelle pierre au fond d’une ancienne mine de charbon abandonnée, du côté d’Isérables (VS), je n’en connais qu’un seul: Grégoire Maret. Son atelier, qui est aussi sa marque, Pierre d’Alexis, lui ressemble: perdu en pleine nature au-dessus de Martigny, au bout d’un petit chemin exigeant. C’est une véritable caverne d’Ali Baba! Baroudeur cristallier, il part parfois à l’autre bout du monde pour le simple plaisir d’approfondir ses connaissances, sur les opales par exemple, et revient les poches pleines de magnifiques spécimens autour desquels naissent de nouvelles créations.
Grégoire Maret fait partie de ces bijoutiers qui traversent hors des clous et vivent leur métier avec fougue. Ils sont donc suivis par quelques spécialistes férus «d’autre chose». En 2018, lors de la première édition de GemGenève, Ronny Totah et sa fille Nadège, ont souhaité donner un coup de pouce à ce bijoutier déjà aguerri, en lui offrant la possibilité de présenter une nouvelle gemme helvétique et, qui plus est valaisanne, la «Rose de Mine». Toujours en quête de cristaux dans les montagnes, mines et tunnels du canton, Grégoire a découvert une pierre de couleur encore inconnue: une calcite cobaltifère, d’un rose à rose-violacé dont la teinte n’est pas due au manganèse mais au cobalt, au zinc, au nickel et à une très faible teneur en fer. Contrairement aux minéraux alpins classiques, elle s’est formée au cours des cent dernières années dans des conditions ambiantes, grâce à une interaction entre les eaux de mine enrichies en métaux et les structures souterraines. Son unique provenance est une ancienne mine de charbon valaisanne aujourd’hui épuisée, ce qui limite fortement l’accès à la ressource et en accroît la rareté et donc la valeur. Les bijoux réalisés par Atelier Pierre d’Alexis avec cette gemme dont il a l’exclusivité, sont à la fois uniques et incomparables.

Gold’Or: Comment et pourquoi avoir choisi la bijouterie?
Grégoire Maret: J’ai un papa horloger-rhabilleur avec lequel j’ai appris à être méticuleux, soigneux et précis. De plus, je suis assez bricoleur et j’ai toujours aimé réparer, améliorer et dessiner. Lui-même avait été formé à la vallée de Joux (ETVJ) et n’a jamais tari d’éloges sur cette école. Quand les bijoutiers y ont été admis, j’ai décidé de suivre ce chemin et je n’ai aucun regret.
Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin?
Je suis plutôt du soir… Mais je vis mon rêve! Travailler au milieu de la nature, chauffer mon atelier au bois les matins d’hiver quand j’arrive, m’inspirer de ma vaste collection de cristaux pour imaginer des formes et des couleurs particulières, que demander de plus?

Comment avez-vous trouvé votre atelier?
Je vis un peu «perché»… À exactement 1000 mètres d’altitude, à deux pas (en pente) de la maison familiale. Un petit chalet à deux étages et aux volets bleus, caché dans les arbres, une chance! Au sous-sol, j’ai les instruments les plus envahissants et au rez-de-chaussée, j’ai plusieurs postes de travail. Quant à ma marque, elle est créée avec les prénoms de mes deux grands-pères.
Travaillez-vous à l’ancienne ou avec la technologie moderne?
J’ai appris à travailler à l’ancienne et je fais tout à la main. Limer, scier, quand on arrive à l’école à 15 ans, ça n’a rien de facile mais on s’y fait, on se perfectionne. La seule chose «moderne» dans l’atelier, c’est la machine pour souder au laser. Je ne coule pratiquement plus rien. J’aime chercher et trouver des solutions. Pour certaines pièces un peu étonnantes, je réalise mon alliage avec trois ors un peu comme les métaux «damassés» et j’avoue que quand j’explique ma manière de procéder, les clients sont souvent impressionnés… et convaincus!
Je ne suis pas un fan des nouvelles technologies. Pour moi, les jeunes qui s’y adonnent trop ne peaufinent plus assez le geste artisanal et ancestral. Ils pensent à la rapidité mais elle n’est pas toujours au rendez-vous. Souvent, je constate qu’ils se spécialisent dans un «process» mais sont incapables de réaliser un bijoux de A à Z.

Êtes-vous écolo?
On va exprimer cela différemment: je suis sensible à la durabilité, à l’éthique, aux matériaux et aux pierres que l’on juge parfois difficiles à travailler comme l’opale.
Comment qualifieriez-vous votre style?
O-ri-gi-nal! J’aime autant travailler autour d’une pierre brute que d’une pierre précieuse taillée. Je ne fais que de la création: de la paire d’alliances exclusives au bijou extrêmement personnel.
Comment voyez-vous l’avenir de votre métier?
Il y a déjà eu beaucoup de transformations fondamentales dans ce métier. Pensez à l’électricité, au moulage, etc. Alors disons que je le vois radieux! Mais je pense que s’en sortiront ceux qui prendront le temps de parler avec leurs clients, d’expliquer le travail, mais aussi le geste, le tour de main, et de créer l’exclusivité.
La 3D, c’est un peu comme l’intelligence artificielle, ça vous empêche de rêver et de regarder plus loin, plus haut. Il y a malheureusement de moins en moins de maîtres d’apprentissage en atelier indépendant et ça se sent. Les jeunes qui sortent de l’école ont généralement un bagage assez limité. D’autre part, nous ne sommes pas formés à être des indépendants: droit, comptabilité, TVA, AVS, marketing, etc. Alors oui, les plus malins s’en sortiront le mieux!
Catherine De Vincenti
Info
pierredalexis.ch / Exposition: du 19 décembre au 10 janvier, une exposition présentera le travail et les dernières créations de Grégoire Maret à l’hôtel «Art de Vivre» à Crans-Montana. Présentation de la collection exclusive de la gemme «Pierre de Mine» et d’opales.
Sur la «Pierre de Mine» voir le site sous l’onglet «Pressbook», 08/24 Le cristallier suisse.

