À l’occasion de la huitième édition du Printemps asiatique (5 juin au 14 septembre), le Musée des Arts Décoratifs de Paris (MAD) a proposé une immersion délicate et poétique dans l’univers du bambou, motif et matériau fétiche de l’art asiatique. L’exposition a regroupé près d’une centaine d’œuvres rarement montrées, provenant du musée: estampes, pochoirs (katagami), papiers peints, netsuke, inrō (petites boîtes japonaises à vocation utilitaire), vanneries, céramiques, ivoires, bronzes, accessoires du thé… Autant de pièces qui témoignent de la fascination pour le bambou, végétal symbole de résistance, de flexibilité et de raffinement.
Trois axes structurent le parcours: le motif graphique, entre forêts, feuillages stylisés, nœuds sculpturaux et pousses naissantes; l’usage artisanal, illustrant la virtuosité des maîtres de la vannerie ou les accessoires du thé; enfin l’écho esthétique européen, dans lequel des pièces décoratives et motifs inspirés du bambou rejoignent des créations occidentales en ivoire, métal ou émaux.

Joaillerie bambou
Dans la joaillerie, le bambou demeure une source d’inspiration inépuisable. Ses lignes filiformes, ses rythmes naturels et ses courbes organiques séduisent par leur élégance. Certaines créations reprennent la délicatesse des ligatures de ses nœuds, d’autres transposent la souplesse de ses tiges élancées dans des broches, tandis que des pendentifs suggèrent la rupture du tronc, serti de touches de jade vert.
Fréquemment, le bambou est associé au tigre, au pin ou aux pruniers en fleurs, des motifs que l’on retrouve dans l’iconographie Art déco, notamment sur des boîtes et nécessaires luxueux. De grandes maisons ont d’ailleurs largement exploité ce bestiaire sauvage, où félins et jungles stylisées voisinent dans un foisonnement végétal.

L’esthétique du vide
Les creux et la transparence, attributs essentiels à la philosophie zen et à l’esthétique du vide, se prêtent parfaitement au travail des pierres translucides à opaques telles la jadéite (originaire de Birmanie), la néphrite, l’émeraude ou la chrysoprase. La jadéite et la néphrite sont des pierres précieuses très résistantes aux chocs. La première est réputée pour sa grande dureté (résistance à l’usure, à l’abrasion), la seconde, un peu plus tendre, se sculpte plus aisément. Deux expressions d’une même symbolique de force et de longévité. L’orfèvrerie, quant à elle, traduit en relief ou en gravure la nervure d’une feuille, ou suggère le froissement d’une canopée dans un collier.

La Brésilienne Silvia Furmanovich
Matériau durable et tendance, le bois de bambou s’invite jusque dans les écrins ou coffrets à bijoux, racontant une histoire de nature et de délicatesse. La très appréciée créatrice brésilienne, Silvia Furmanovich, a puisé son inspiration dans l’artisanat japonais, notamment dans les tissages de bambou traditionnels. Elle en a tiré ses «Bamboo Infinite Loop Earrings», des boucles audacieuses mêlant grenats, diamants et or 18 carats, incarnant une vision durable et poétique du bijou.

Chaumet, capsule 2025
Chaumet a dévoilé récemment, une capsule de haute joaillerie baptisée «Bamboo», célébrant ses 240 ans naturalistes et rendant hommage à l’Asie. Dix pièces en or jaune et blanc gravées du motif végétal composent cette collection, dont un spectaculaire collier plastron, à la fois graphique et organique, incarnation joaillière de la souplesse du bambou.
Au fond, qu’il soit forêt bruissante, motif graphique ou parure en or, le bambou garde la même promesse, celle de plier sans se rompre et de traverser les époques avec grâce. Dans les vitrines du MAD comme dans les ateliers de joailliers, il continue de tendre ses tiges vers l’avenir, souple, élégant, et résolument précieux.
Catherine De Vincenti
