Comment une jeune fille de la Riviera lémanique, fraîchement diplômée, quitte les rives du lac Léman pour traverser l’océan et se retrouver, durant plus de vingt-cinq ans, au bord de la mer des Caraïbes, en Amérique du Sud. C’est toute l’histoire de Laurence Kränzlin, bijoutière-joaillière, qui, après avoir parcouru le monde, revient ouvrir une ravissante boutique-atelier sur la place Benjamin-Constant à Lausanne.
Lau Design, ce sont les créations de Laurence, peut-être également celles de Lausanne, et certainement, comme me l’a susurré un résident du quartier très fier de son jeu de mots: «Lau design et high quality»! Dans sa vitrine, sous une guirlande lumineuse pleine de gaîté, les bijoux exposés sont nés de ses mains et ont été imaginés par elle. La moindre perle de culture, pierre précieuse ou fine a été choisie avec soin pour sa beauté, sa transparence, la qualité de son lapidage. Amoureuse des minéraux dont un livre trône sur sa table d’accueil, elle connaît la provenance de chacune des pierres qu’elle a serties, de la plus modeste à la plus belle des émeraudes ou des opales. Et sans surprise, nombre de ces gemmes proviennent d’Amérique du Sud car c’est le Vénézuéla qui l’a recueillie pratiquement pendant trois décennies, après son départ de Vevey. C’est dans la ville de Lecheria, au bord des plages de la mer des Caraïbes, dans la région métropolitaine de Barcelona, que la joaillière a posé ses valises.

Gold’Or: Comment et pourquoi avoir choisi la bijouterie?
Laurence Kränzlin: Je ne suis pas du tout issue d’une famille de bijoutiers, mais j’ai toujours aimé travailler de mes mains et depuis toute petite j’ai bricolé des bijoux. Après avoir fait le gymnase, j’ai néanmoins pensé que ce n’était pas ma voie. J’ai fait deux stages dans la bijouterie. Le second chez le sculpteur et bijoutier Charles Morgan, bien connu, en Suisse, pour ses «machines à Tinguely» et il m’a acceptée comme apprentie. Depuis, je n’ai jamais dévié…
Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin?
Mon nouvel atelier entre autres choses! Je suis installée place Benjamin-Constant depuis le mois de novembre dernier. J’ai tout choisi avec soin depuis les bureaux jusqu’aux postes de travail, à l’éclairage et même au papier peint «jungle» monocolore entre les deux étages. C’est un très bel outil de travail et je m’y sens merveilleusement bien.

Comment avez-vous trouvé votre atelier?
Quand je suis rentrée du Vénézuéla, je voulais prendre mon temps pour trouver un local qui me convienne à 100 pour cent. J’ai tout d’abord partagé un atelier durant quatre ans tout en restant attentive à ce qui pourrait se présenter. Pendant ce temps, je me suis fait une clientèle. Quand, au bout de deux ans de recherche, ce local s’est libéré, il m’a plu tout de suite. Il est sur trois étages. Sous-sol: mon atelier et les machines un peu imposantes; rez-de-chaussée: les hautes vitrines et l’accueil, ainsi qu’un poste de travail; 1er étage: deux postes de travail pour partager ma passion avec des débutants ou des passionnés d’artisanat. Je crée ainsi l’opportunité de concevoir et réaliser un bijou unique dans une ambiance conviviale et inspirante, avec un canapé et quelques sièges pour boire un café en toute tranquillité.
Travaillez-vous à l’ancienne ou avec la technologie moderne?
Je travaille essentiellement à l’ancienne, mais il ne faut pas refuser la modernité et ce qui peut vous rendre la vie un peu plus facile. Je fais très peu de fonte, mais, parfois pour de petites pièces répétitives, c’est franchement nécessaire. J’ai une machine pour souder au laser… Mais ce n’est pas magique! J’ai même suivi des cours pour travailler avec la 3D même si ce n’est pas ce que je préfère…

Êtes-vous écolo?
En bijouterie, on réutilise, on recycle depuis toujours! On ne jette rien, tout se transforme…
Comment qualifieriez-vous votre style?
Je ne sais pas si j’ai un style! C’est mon style et il évolue sans cesse. Je qualifierais plutôt mes bijoux selon des périodes, des époques, comme pour les peintres avec une période bleue puis rose, etc. Ces derniers mois, je me suis passionnée pour les bijoux en spirales avec souplesse. Souvent, ce sont les clientes qui me mettent au défi.
Comment voyez-vous l’avenir de votre métier?
Du métier en général? Il y aura toujours des gens qui souhaiteront de l’exclusif, de l’unique, du personnel. En tant que créateur, il faut se démarquer. C’est le maître-mot. Il faut de la ténacité, le matériel est de plus en plus cher, c’est probablement plus difficile maintenant qu’il y a quelques années. Créer un magasin, c’est beaucoup de travail et de stress. Mais on y va quand même!

Pour terminer, quel(le) collègue pourrais-je rencontrer pour poursuivre cette série d’entretiens?
Je vous envoie volontiers en Suisse alémanique, dans la vieille ville de Berne, chez Claudia Neuburger et sa belle boutique-atelier Punctum Aureum à la Münstergasse 30. J’apprécie ce qu’elle fait et nous avons une philosophie similaire.
Catherine De Vincenti