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Les bijoux d’il y a 5000 ans

Sur la rive sud-est du Lac Turkana au Kenya, des fouilles archéologiques ont révélé une nécropole monumentale vieille d’environ 5000 ans qu’on appelle Lothagam North. Etablie par un peuple de bergers nomades, elle leur servit de cimetière collectif durant environ 700 ans.

Sous une plateforme d’un diamètre de 30 mètres et plusieurs annexes formées de galets et de pierres, des archéologues allemands découvrirent les restes d’environ 580 squelettes enterrés très proches les uns des autres. Il s’agissait de femmes, d’hommes et d’enfants de tout âge, du bébé au vieillard, morts en apparence de causes naturelles. On ne trouva en effet aucune trace de violence sur leurs crânes et ossements.

Dans pratiquement toutes ces tombes se trouvaient des bijoux en amazonite, carnéol, calcédoine, coquillages, ivoire d’hippopotame ainsi qu’en dents de gerbilles et de porc-épics. Il s’agissait surtout de pendentifs, de bagues et de boucles d’oreille. Les tombes étaient toutes égales, la qualité des bijoux étant pratiquement toujours la même.

Une nécropole monumentale

Il en ressort qu’il s’agissait du cimetière collectif d’une société très égalitaire. Les hommes et femmes ensevelis près du Lac Turkana ne connaissaient probablement pas d’hiérarchie sociale et d’élite dominante. Le contraste est énorme vis-à-vis de l’Egypte sise plus au nord, où se développait à la même époque une des toutes grandes cultures de l’humanité. Elle était caractérisée entre autres par une hiérarchie très complexe à la pointe de laquelle se trouvait le pharaon, incarnation d’un dieu.

Nous savons aujourd’hui que la nécropole de Lothagam North était l’œuvre de bergers nomades qui y revenaient périodiquement pour y ensevelir leurs morts. Les dimensions monumentales du site sont particulièrement remarquables. Il est décoré d’un grand nombre de colonnes en basalte, de cercles, d’amas de pierres et de collines artificielles. Tout ceci contredit la doctrine classique des historiens selon laquelle les sites monumentaux sont toujours l’œuvre de peuples sédimentaires, hiérarchisés, ayant institué le partage du travail et la spécialisation professionnelle.

Des monuments de nomades

Selo la doctrine prévalente, la construction d’œuvres monumentales dans l’antiquité présupposait une vaste population vivant sous des conditions climatiques privilégiées et capable de produire de grands excès d’aliments. Une élite disposant de beaucoup d’autorité dans une société fortement stratifiée réussissait à recruter une classe de simples travailleurs pour réaliser des constructions énormes comme par exemple les pyramides de Gizeh en Egypte. On les ravitaillait sur place et leur donnait en fin de journée des oignons et de l’ail dont tout le monde raffolait. C’est de cette manière qu’on réussit à réaliser des constructions monumentales nécessitant des opérations de planning, de logistique et de coordination très complexes.

Ces préconditions étaient loin d’être réalisées à Lothagam North. Et pourtant ce peuple réussit à construire une nécropole remarquable s’étendant sur une surface de 700 mètres carrés. A part la plateforme déjà mentionnée, les archéologies trouvèrent encore neuf cercles de pierres et six amas de gravier. Des fouilles limitées et l’analyse des signaux générés par le radar de pénétration permirent de reconstruire le modus operandi des constructeurs.

Un changement climatique renforce la cohésion sociale

La nécropole fut construite en plusieurs étapes. Tout d’abord on enleva le sable du littoral jusqu’à la roche subjacente, les côtés étant protégés de l’éboulement par des plaques de pierre arrangées verticalement. Les tombes furent creusées dans un grès rougeâtre, très friable, les corps étant recouverts de déblai. Une fois le cimetière rempli, la plateforme entière fut recouverte d’une couche de gravier lacustre d’une épaisseur de 30 à 50 centimètres formant une colline très plate. Des colonnes de basalte noir local atteignant une hauteur de 1,5 mètre servaient à délimiter le périmètre de la plateforme.

La première phase de la construction de cette nécropole date d’environ 5000 ans et coïncide exactement avec un changement climatique très prononcé. C’était la fin d’une période humide, ce qui provoqua une baisse du niveau du lac de 55 mètres et une diminution de sa surface de moitié. Le Sahara précédemment couvert d’une végétation éparse se désertifia, ce qui obligea les bergers de transhumer leurs troupeaux de bovidés, de chèvres et de moutons dans la direction du lac, où il y avait encore assez d’herbages.

En un temps très court il en résulta une densification considérable de la population dans la région, les nomades habitués à faire des randonnées étendues en petits groupes avec leurs troupeaux se retrouvant nombreux dans un groupe forcément très hétérogène. Leur cohésion sociale profita considérablement de la construction en commun de Lothagam North. La partie monumentale du site ne fut établie que lorsque toute la place réservée aux tombes aye été utilisée. On suppose que dorénavant Lothagam North servit de place de réunion où les vivants fêtaient la proximité de leurs ancêtres défunts.

Référence: E.M. Hildebrand, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 115, 8942 (2018).

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