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Gabriel Prolo, retraité sans l’être

Jusqu’à présent la version française de Gold’Or vous a présenté de jeunes bijoutières et un bijoutier dans la force de l’âge pour leur poser quelques questions sur leur métier. Et si, pour changer un peu, on discutait avec un jeune retraité qui n’a pas tant que ça envie de prendre sa retraite? Gabriel Polo est un excellent joaillier-bijoutier. Ce genevois d’origine est venu s’installer à Lausanne, il y plusieurs dizaines d’années, et les vaudois l’ont définitivement adopté et ne le rendront pas! A 70 ans, ce jeune homme, physiquement et dans sa tête, ne voit pas de vraie raison de s’arrêter et d’abandonner – complètement – son joli atelier de la rue de Bourg/place Saint-François, à Lausanne.

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Gold’Or: Vous êtes un jeune retraité, la vie est-elle belle?

Gabriel Prolo: Oh oui, pas mal! Et puis, si nécessaire, on se la fait belle! Cela fait maintenant cinq ans que je suis «à la retraite» … mais je continue à travailler. Mes horaires n’ont pas trop changé. Je suis à l’atelier à 8 heures 30 et je travaille non-stop jusqu’à 17 heures. Sauf quand je déjeune avec de vieux copains …

Pensez-vous vous arrêter un jour?

Ben … mais oui, forcément ! Mais je ne vois pas pourquoi m’arrêter maintenant. J’ai 70 ans et je pense que continuer à travailler me rassure. Les idées sont toujours là, les mains précises, j’adore mon métier. Dans ma tête, je suis un éternel jeune homme. Quand je sentirai un changement … je m’arrêterai.

Avez-vous trouvé quelqu’un pour reprendre votre atelier et son excellente renommée, en plein cœur de Lausanne?

Je pense que je peux enfin répondre affirmativement. C’est pour cela que j’ai le cœur serein pour continuer à faire ce que j’aime. Dans mon équipe, j’ai une collaboratrice très capable, motivée et intéressée. Alors, un jour …

Vous avez vu les techniques évoluer depuis votre apprentissage, en 1967!

On peut le dire ! Mais ma formation de bijoutier-joaillier reste la base de mon artisanat. Les meilleures machines du monde ne pourront malgré tout pas créer un bijou toutes seules. Quand j’ai commencé, il y a eu la cire et le casting qui ont révolutionné la façon de travailler. Aujourd’hui, je ne fais pratiquement plus que de la fonte sous vide de haute qualité. Je forge rarement mais je sculpte! Ensuite, le laser nous a considérablement facilité la tâche! Je ne suis absolument pas contre l’évolution, la 3D par exemple, mais je n’ai plus la patience d’apprendre.

Quels sont vos points forts?

Je pense qu’un de mes points forts, c’est d’être un bijoutier qui peut aller sans problème à la vente, qui peut expliquer le «pourquoi du comment» à une cliente, qui peut trouver une bonne idée dans le cadre d’un dialogue. Beaucoup de jeunes bijoutiers sont timides, n’osent pas aller discuter avec le client, se sentent un peu perdus. C’est – aussi – cela qu’il faut leur apprendre!

Vous avez formé plus d’une vingtaine d’apprenti(e)s à l’établi dans votre carrière. Qu’elle est la différence entre une bijoutière et un bijoutier?

Les garçons sont plus mécaniques, carrés, rigides. Les jeunes femmes travaillent plus dans la douceur, l’arrondi, souvent de façon plus fine. Ça parait un peu «bateau» de relever cela mais c’est malgré tout la vérité.

Pour terminer, quel(le) collègue pourrais-je rencontrer pour poursuivre cette série d’entretien?

Pas de retraité! Une bijoutière qui aime le design et a reçu plusieurs distinctions, Hélène Othenin-Girard, dont l’atelier lausannois, se trouve Place du Tunnel 2. / CdV