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Dessine moi un bijou…ou une montre!

Lorsque l’on parle design, certains de nos concitoyens ignorent que la Suisse est en «pôle position» au niveau européen et parfois mondial. Les Romands connaissent pratiquement tous l’ECAL de Lausanne et son bouillant ancien directeur, Pierre Keller. Braquons aujourd’hui les projecteurs sur la genevoise HEAD (Haute Ecole d’Art et de Design) qui n’a cessé de gagner en crédibilité particulièrement avec ses Bachelor et Master en Design Bijou et Accessoires.

 

La fondation Wilsdorf encourage les jeunes talents de la filière bijoux et accessoires de la HEAD. Exemple en 2013 avec les créations de Lydia Saurel-Lahens, lauréate.

 

C’est en 2006 qu’est né l’acronyme bien trouvé de HEAD. Cette école d’Art qui fait désormais partie de la HES-SO, Haute école Spécialisée de Suisse Occidentale, a été engendrée par la fusion des grandes écoles bicentenaires que furent l’Ecole supérieure des Beaux Arts et la Haute école d’Arts Appliqués. Entremêlant art et design, cette nouvelle «tête» pensante a les moyens de ses ambitions. Et encore plus en cette fin d’année, alors qu’une partie de l’Ecole vient de déménager sur un nouveau site, plus vaste, dans le quartier des Charmilles.

Designer en bijou et accessoires, c’est un métier?

Que sont-ils susceptibles de réaliser ces étudiants dédiés au bijou et aux accessoires? Bracelets, colliers, bagues, boucles d’oreilles, bijoux de piercing, montres, ceintures, sacs, chaussures, lunettes et j’en passe et des meilleurs! Ils conçoivent les produits et les processus de réalisation, travaillent aussi bien sur des pièces uniques que sur de la production en petite série ou de masse à l’échelle industrielle. Aujourd’hui, la conception d’un objet n’est plus le travail d’un seul créateur qui vit la tête dans les nuages et trouve, on ne sait trop comment, le chemin de son public. Les étudiants de la HEAD apprennent à comprendre les demandes du client et de la marque commanditaire. Ils doivent tenir compte des contraintes techniques, ergonomiques, esthétiques et des coûts de production. Ils dessinent le projet, élaborent un prototype, sélectionnent et testent les matériaux, établissent un devis et, pour mener la démarche jusqu’au bout, imaginent un packaging (écrin). Ensuite, et c’est aussi pour cela qu’ils sont aujourd’hui très recherchés, ils inventent une mise en scène des créations, les font photographier ou réalisent une vidéo, élaborent un dossier de presse, proposent un catalogue, démarchent éventuellement des points de diffusion et de vente, des lieux d’exposition et proposent les créations dans des salons, des galeries, des défilés, etc. Le marketing et la communication ne sont plus jamais loin de la création. Jamais! Alors? Designer-bijou et accessoires, c’est un métier selon vous?

 

L’ancienne Ecole des Arts Industriels est devenue la «maison» de la HEAD. Elle est aujourd’hui trop exigüe et seule la filière Bijoux, Horlogerie et Accessoires y restera. Photo: RTS

Les partenariats sont essentiels

La responsable de la filière, Elizabeth Fischer, souligne à quel point il est important pour les étudiants de pouvoir entremêler la création pure, la réflexion, et le travail dans le cadre d’un projet concret et parfois extrêmement limitant. «J’ai trouvé l’école trop conceptuelle pour moi!», déplore une ancienne étudiante, «J’ai préféré partir ailleurs en Europe et développer une autre façon de rechercher». Ce sont des choses qui arrivent et il en faut pour tous les goûts. Mais ceux qui tiennent le coup ont alors l’occasion de travailler pour de grandes marques comme Piaget et de participer à d’éminents concours internationaux. Il y a deux ans, la filière a réalisé au SIHH une exposition originale sur «revisiter» le coucou (horloge), sortant des sentiers battus du Salon de la haute-horlogerie de Genève. Succès absolu! La marque d’alliances Furrer-Jacot ainsi qu’une firme de lunettes ont choisi plusieurs modèles créés par les étudiant(e)s pour les intégrer dans leurs collections. La galerie de bijoux contemporains lausannoise, ViceVersa, a récemment accueilli des travaux d’étudiantes dans une exposition intitulée «La rhétorique du Lobe». D’autre part, ces dernier(e)s doivent se trouver un stage de plusieurs mois ce qui n’est pas toujours évident. Néanmoins, c’est l’occasion d’apprendre à «encaisser» les refus plus ou moins motivés et d’apprendre «à se vendre». Certains stagiaires sont partis dans de grandes maisons parfois à l’étranger: Londres, Berlin, etc… et en sont tous revenus enchantés même si, parfois, ils voient alors leur métier un peu différemment.

 

Les nouveaux locaux de la Head aux Charmilles: les anciennes usines Elna et Tavaro. Une partie de l’école y a déjà déménagé. Photo: Michel Griesbrecht

Les montres à la bonne heure!

En septembre 2015, une chaire de design horloger a vu le jour grâce au mécénat d’une fondation. Marco Borraccino, le designer italien, en a pris la tête. Le directeur de la Head, Jean-Pierre Greff, est particulièrement heureux: «Depuis plusieurs années, nous développons le design horloger, avec, par exemple, un concours Piaget qui plonge les étudiants dans le métier et ses exigences. La chaire horlogère représente une opportunité exceptionnelle pour former la relève du design horloger tout en renforçant la position de Genève».

 

Le prix Piaget Jeunes Talents 2017 a été remis en présence de M. Philippe Léopold-Metzger (à droite) et de M. Greff, directeur de l’Ecole (à gauche). Lauréate: Léa Breysse.

 

Les anciens diplômés viennent de plusieurs pays du monde et on les retrouve, déjà, un peu partout sur la planète avec des postes variés passant par l’agence de communication, le cabinet d’architecte ou le micro-entrepreneur. La HEAD a réussi le pari de la fusion des deux anciennes écoles et comme le dit avec beaucoup de justesse M. Greff: «Pour prendre une image, le prisme d’un diamant a un éclat tout autre que celui qu’aurait chacune de ses facettes séparément».

Catherine De Vincenti

Info
www. www.hesge.ch/head/

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