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Détermination de l’âge des gisements et d’objets en or

L’or est un des éléments dont il n’existe qu’un seul isotope stable; il s’agit de l’or 197 (197Au). Son noyau consiste en 79 protons et 118 neutrons. Les quatre isotopes radioactifs de l’or n’ont qu’une demi-vie de quelques jours à quelques mois.

En contraste avec le carbone, l’uranium, le thorium et cetera il n’existe aucun isotope radioactif de l’or qui pourrait servir à la détermination de son âge par la méthode radiométrique. Un procédé analytique développé à l’Institut de Physique de l’Université de Berne permet une telle détermination. Il est basé sur le fait que dans les gisements d’or, ce dernier se rencontre presque exclusivement sous forme métallique et se forma par refroidissement et dépressurisation de fluides contenant de l’or chimiquement dissout.

Circulant dans des formations de roches sises à grande profondeur dans l’écorce terrestre où règnent des températures et des pressions énormes, ces fluides avaient dissout sélectivement les traces d’or que contiennent les roches cristallines à raison d’environ un milligramme par tonne.  A part l’or, ces fluides avaient également dissout de l’argent et du cuivre ainsi que quelques parties par milliard (ppb) de thorium et d’uranium. Ceux-ci se décomposent par des processus nucléaires complexes en plomb non-radioactif.

Ces processus incluent l’émission de particules alpha, c’est-à-dire de noyaux de l’atome d’hélium qui consistent en deux protons et deux neutrons. Ces particules accaparent deux électrons et deviennent ainsi des atomes d’hélium restant pris dans le réseau cristallin de l’or jusqu’à ce qu’il soit fondu et que l’hélium s’en échappe. Si l’on sait combien d’uranium et de thorium un échantillon donné d’or contient, la mesure par spectrométrie de masse de la quantité d’hélium qui s’en échappe à la fusion permet de calculer combien de temps s’est écoulé depuis que cet or a été liquide pour la dernière fois.

Les plus vieux échantillons d’or analysés jusqu’à maintenant proviennent d’Afrique du sud.

Information importante

La demi-vie des éléments radioactifs uranium et thorium (env. 4,5 milliards d’années pour l’uranium-238 et 14 milliards d’années pour le thorium-232), étant connue, on sait combien d’hélium est libéré chaque année. Un échantillon d’or géologiquement âgé contient beaucoup d’hélium dont la quantité peut être déterminée avec une faible limite d’erreur. Pour les échantillons pris dans des objets d’or antiques (quelques milligrammes suffisent), la marge d’erreur de mesure peut atteindre 30 pourcents. Mais même une détermination peu précise suffit pour décider que l’objet considéré est vraiment antique ou s’il consiste en or récemment fondu pour en faire un faux.

Après avoir été fondu pour la dernière fois, les horloges radiométriques que forment les atomes d’uranium et de thorium continuent naturellement leur «tictac». Pourtant, après quelques années ou quelques décennies, la quantité d’hélium qui s’est formée par décomposition des isotopes radioactifs est tellement faible qu’elle ne peut plus être mesurée. Dans un cas pareil, il s’agit évidemment d’un faux.

L’or formé il y a des millions ou des milliards d’années

Pou la détermination de l’âge de gisements d’or, on utilise des échantillons analytiques de 50 milligrammes. L’hélium dégagé lors de la fusion est analysé quantitativement par un spectromètre de masse ultrasensible. La teneur d’uranium et de thorium est déterminée séparément. Par ce procédé, l’Institut de Physique à Berne a pu déterminer l’âge d’une collection de minerais d’or provenant d’Europe, des deux Amériques et de l’Afrique du Sud.

C’est ainsi que l’on apprit que l’or provenant du Krümpelgraben en Suisse Centrale est âgé de 33 millions d’années; il se forma donc au Tertiaire, ce qui correspond à l’âge de formation des Alpes, géologiquement jeunes. L’or de la mine Diamantina au Brésil est âgé de 523 millions d’années, tandis que les nuggets de Santa-Elena au Venezuela ont 234 millions d’années. De faux nuggets provenant prétendument du même gisement contiennent uniquement des traces infimes d’hélium et consistent donc en or récemment fondu. Les plus vieux échantillons d’or analysés jusqu’à maintenant proviennent d’Afrique du sud. Selon la profondeur de leur provenance dans le Witwatersrand ils sont âgés de 1630 à 2980 millions d’années.

Objets d’or antiques

En utilisant la méthode uranium-thorium-hélium, les physiciens bernois purent déterminer l’âge d’un grand nombre d’objets en or dont l’ancienneté était douteuse. Une tiare en or que le Musée du Louvre à Paris avait acquise en 1890 et qui avait été prétendument en possession d’un roi Scythe, devait donc avoir un âge d’au moins 2000 ans. Un échantillon pris dans cette pièce ne dégagea pratiquement pas d’hélium: il s’agit donc clairement d’un faux.

Une autre tiare d’un roi scythe se révéla être âgée de 2700 +/- 1000 ans: elle est donc vraiment antique. Un calice en or de 86 pourcents pesant 730 grammes décoré de scènes mythologiques grecques et appartenant à un collectionneur au Liechtenstein fut également examiné. Des spécialistes de l’histoire de l’art avaient estimé qu’il avait été façonné au 3e ou 4e siècle avant l’ère chrétienne. Ce qui fut confirmé par la méthode uranium-thorium-hélium qui donna un âge de 3300 +/- 1100 ans.

Référence: O. Eugster et al., Gold Bulletin 51/4, 139 (2018).

Bild: Calice d’or antique décoré de scènes mythologiques et datant du 3e ou 4e siècle avant l’ère chrétienne.
Photo: O.Eugster

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