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La bakélite – premier polymère purement synthétique

D’aucuns sont d’avis que les matières plastiques n’influencent notre vie que depuis les années 50 du siècle passé. Et pourtant la recherche, la synthèse et la production de matières plastiques débutèrent déjà au 19e siècle.  

De nombreux plastiques considérés comme «modernes» furent déjà  développés au cours des années 1930, mais leur commercialisation se fit attendre en raison de la Deuxième Guerre Mondiale; les applications militaires eurent pendant longtemps une priorité absolue. Plusieurs polymères d’une grande importance de nos jours existaient déjà au début du XXe siècle. Parmi ceux-ci mentionnons galalithe, celluloïd, cellophane, fibre rayon et bakélite. Les quatre premiers polymères sont effectivement semi-synthétiques, étant basés sur les protéines du lait et la cellulose, respectivement. Par contre, la bakélite est une résine du type phénol-formaldéhyde; elle est reconnue en tant que premier polymère entièrement synthétique. Son inventeur, le chimiste belge Leo Hendrik Baekeland (1863-1944), le fit breveter en 1906.

Baekeland naquit à Gand dans un milieu extrêmement modeste, son père étant cordonnier, sa mère femme de ménage. Mais l’intelligence et le talent scientifique extraordinaires du jeune Leo furent reconnus très tôt. Après le baccalauréat, les autorités lui accordèrent une bourse pour faire des études de chimie à l’université de Gand; il y obtint son doctorat à l’âge de 21 ans seulement. Baekeland était réputé à l’université pour de violents débats scientifiques avec son conseiller de thèse. Mais tout finit en beauté, Baekeland épousant la fille du professeur. Peu de temps après, Baekeland reçut une bourse supplémentaire l’obligeant à faire le tour des universités de grand renom aux Etats-Unis. La vie en Amérique lui plut énormément et il décida de s’y établir. C’est là qu’il commercialisa un nouveau papier photographique nommé «Velaux» qu’il avait déjà fait breveter en Belgique. Il vendit ce brevet à Eastman Kodak ce qui fit de lui un homme riche. Par la suite, il prit domicile à Yonkers, ville voisine de New York où il installa un laboratoire de recherche privé.

Fascination pour les polymères

En tout premier, Baekland s’intéressa à l’électrochimie, ce qui l’incita à passer plusieurs mois à Berlin en 1900 pour se perfectionner dans cette discipline auprès des pionniers qui résidaient dans la capitale. Après son retour aux Etats-Unis, Baekeland développa une cellule de haut rendement pour la production de chlore et de soude caustique par électrolyse du sel de cuisine. Un grand nombre de ces cellules fut mis en service dans les usines des chutes du Niagara  qui disposaient d’électricité bon marché.

Cherchant un nouveau défi, Baekeland tomba sur des travaux récents démontrant que de nombreuses substances naturelles comme les protéines, les résines et les fibres sont des polymères. Il s’agit de molécules très longues dans lesquelles les mêmes monomères, molécules très simples, se répètent indéfiniment, formant des chaînes. Baekeland explora d’abord le système phénol-formaldéhyde, trouvant finalement les conditions optimales de température et de pression pour la synthèse du polymère qui porte son nom: Bakélite.

Dur et insoluble

C’est ainsi que débuta l’ère des matières plastiques. La bakélite est un duroplaste, malléable à chaud après la synthèse. Le refroidissement s’accompagne d’un durcissement considérable qui fait que la forme d’objets en bakélite reste conservée même à haute température. De plus, ce polymère est dur, rigide, résistant aux acides, non-fusible et absolument insoluble. Ceci est dû à l’enchaînement tridimensionnel des monomères. Avant la polymérisation on ajoute souvent au mélange des fibres et des pigments colorés. La bakélite a tendance à noircir avec le temps; pour cette  raison on y ajoute souvent du noir de carbone. La bakélite a peu de désavantages, mais elle est cassante et sensible aux chocs.

Premier téléphone en bakélite de la société suédoise Ericsson (1931).
Photo: Holger Ellgaard

De la radio à la bijouterie

La bakélite eut un énorme succès: des innovations très populaires comme le téléphone et la radio avaient besoin de boîtiers solides, bon marché et discrets: la bakélite remplissait tous ces critères. De nombreuses autres applications se développèrent rapidement, par exemple les boutons, les garnitures de frein, l’allumage automobile, les lampes, les horloges, les manches de casserole, le matériel électrique isolant, les jouets, les articles de sport et les casques de protection.

La bakélite blanchâtre servit de substitut à l’ivoire, en particulier pour en faire des boules de billard. Une partie de la carrosserie de la fameuse voiture «Trabant» fabriquée jadis en RDA consistait en résine phénol-formaldéhyde renforcée de fibres. De nombreux «anciens» articles en bakélite sont aujourd’hui exposés dans les musées et sont avidement convoités par des collectionneurs.

Pourtant habitué au succès, Baekeland fut surpris que l’industrie du bijou fantaisie adopta la bakélite à grande échelle dans les années 20 du siècle passé. La nouvelle résine était en effet idéale pour la fabrication de bracelets, de chaînes, de pendentifs, de broches etc. à bas prix, colorés ou même métallisés. La bakélite continue de jouer un rôle important dans de nombreuses applications où la résistance mécanique et thermique ainsi que l’isolation électrique sont importantes.