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Le Locle ressuscite la montre-école

Pour célébrer les 150 ans du secteur horlogerie de l’Ecole technique du Centre interrégional de formation des Montagnes neuchâteloises (CIFOM) de manière pédagogique, les apprenants ont conçu une montre commémorative en série limitée et numérotée. L’institution lance un appel aux détaillants.

«Cela fait dix ans que je cherche comment faire cette pièce!» Sylvain Varone est un homme impliqué. Afin de commémorer dignement le 150e anniversaire de l’Ecole d’horlogerie du Locle – devenu aujourd’hui le secteur horlogerie de l’Ecole technique du Centre interrégional de formation des Montagnes neuchâteloises (CIFOM) – malgré les contraintes budgétaires qui empêchaient toutes manifestations festives, il a eu l’idée de remettre au goût du jour les fameuses montres-écoles, pilier de la formation professionnelle à la fin du XIXe siècle. Mais pas de n’importe quelle manière: plutôt que de s’approvisionner en Chine, comme beaucoup d’industriels le lui conseillaient, le responsable du secteur horlogerie a préféré élaborer une solution win-win-win: faire participer le plus possible les apprenants; offrir au public une montre commémorative unique; et utiliser le bénéfice pour acquérir de nouveaux équipements. Le résultat est à la hauteur: si le mouvement provient d’ETA, le boitier a été entièrement conçu et prototypé par l’école, avant d’être réalisé par un partenaire de la région. Bracelets, boucles et cadrans proviennent également de fournisseurs locaux. Cent cinquante pièces sont disponibles en souscription sur Internet, mais Sylvain Varone lance également un appel aux détaillants.

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L’Ecole d’horlogerie du Locle, aujourd’hui le secteur horlogerie de l’Ecole technique du Centre interrégional de formation des Montagnes neuchâteloises (Cifom), célèbre en 2018 ses 150 ans d’existence.

Un mouvement ETA

La première classe d’horlogerie du Locle fut créée dans un local de l’Hôtel des Postes en 1868. Seuls cinq élèves démarrent une formation cette année-là, sous la direction de Jules Grossmann, illustre horloger et théoricien. Mais l’engouement pour le métier ne tarde pas à grossir les effectifs, qui atteignent bientôt 40 élèves. En 1890, un bâtiment entièrement dédié à l’école est construit au centre-ville. L’institution prend le nom de Technicum en 1902, avant d’être intégrée au Centre professionnel des Montagnes neuchâteloises en 1984. Cette évolution sonne le glas, pour un temps, de l’enseignement de l’horlogerie au Locle, élèves et enseignants devant déménager à La Chaux-de-Fonds. Dix ans plus tard cependant, l’école revient dans la ville qui l’a vu naître, pour y être intégrée au CIFOM nouvellement créé.

Durant l’année scolaire 2018-2019, ce sont ainsi 47 apprentis horlogers qui suivent les cours à plein temps dispensés par le Pôle horloger. De la première à la quatrième année, les étudiants travaillent essentiellement sur le calibre ETA 6498 – un mouvement heures, minutes, petite seconde extrêmement fiable – en commençant par le montage-démontage, l’achevage, la décoration, le réglage et enfin le rhabillage. «Le nombre d’heures passées sur ce mouvement est conséquent», souligne Sylvain Varone. C’est donc tout naturellement que le responsable choisit ce moteur pour la montre-école. «Cela aurait été tout simplement impossible de concevoir et réaliser un mouvement de A à Z, poursuit-il. Nous sommes une école, nous n’avons pas vocation ni à développer, ni à produire.»

Un boitier «maison»

Pour le boitier au contraire, la réflexion est tout autre: «Je ne voulais pas des boites chinoises que l’on me proposait. Ce projet n’était pas que la commercialisation d’une montre commémorative, ce devait être également un programme de formation.» Des apprentis dessinateurs en construction microtechnique, ainsi que des micromécaniciens sont alors associés à la démarche, les premiers pour réaliser la conception et les plans, les seconds pour le prototypage des composants. «Nous avons opté pour un boitier simple, pour faciliter le tournage et le polissage à la main, précise Sylvain Varone. Mais l’architecture obéit à une technique haut-de-gamme, avec une lunette et un fond vissés. Cela ne se fait plus aujourd’hui.»

Pour la production et les fournitures, l’école se tourne vers des partenaires: Bouille & Cie, à Neuchâtel, pour les boitiers; Brasport, à La Chaux-de-Fonds, pour les bracelets; Cornu & Cie, à La Chaux-de-Fonds aussi, pour les boucles; et Métallique, aux Brenets, pour les cadrans. «Tout le monde a joué le jeu, en livrant du matériel d’excellente qualité, malgré notre budget limité, se réjouit le responsable. Au final, seuls les verres-saphirs proviennent d’Asie.» Sur les 150 exemplaires prévus, un tiers des montres commémoratives estampillées «Ecole technique Le Locle 150e» ont pour l’heure été vendues. Chaque pièce est livrée avec un certificat d’authenticité numéroté, ainsi qu’avec une lettre d’accompagnement signée des apprenants de 4e année ayant assemblé et réglé les composants. Les commandes peuvent être directement passées sur le site http://montre150e.cifom.ch au prix de 1150 francs par unité. Des modèles sont aussi exposés et vendus au Musée d’horlogerie du Locle et au Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds. «Et je lance un appel aux détaillants, déclare Sylvain Varone. Ceux qui souhaiteraient en vendre peuvent me contacter.»

Si l’opération est couronnée de succès, les bénéfices serviront à acheter des équipements pour la formation. Un laser pour la gravure a d’ores et déjà été acquis, alors qu’une machine servant à la réalisation des Côtes de Genève et du perlage est sur la liste. Prochaine étape: «Les élèves vont pouvoir se mettre à leur propre montre. Elle sera en tout point identique à la pièce commémorative, mais le cadran sera d’une autre couleur.» Avant, peut-être, la véritable résurrection de la montre-école, entièrement fabriquée par les apprenants: «J’ai pensé à une pendulette d’officier, jubile Sylvain Varone. Un prototype est prévu pour cette année scolaire. C’est dans le pipe-line.»

Fabrice Eschmann

Photo: Des apprentis dessinateurs en construction microtechnique de l’Ecole technique ont réalisé la conception et les plans du boitier.

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