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Lionel Burri, le dernier des Mohicans

Alors que de nombreux titres d’artisans ne sont pas protégés (bijoutier, gemmologue, graveur, etc …), tout le monde s’arroge le droit de se décerner un pseudo diplôme flatteur. Combien de bijoutier(e)s-orfèvres ou gemmologues ou je ne sais quoi ! La plupart du temps, aucun CFC ne sanctionne ni le premier ni le second métier d’artisanat. Alors, être orfèvre, vous pensez! Lionel Burri, juste la trentaine, est un «vrai» orfèvre, un des tout derniers des Mohicans. Il travaille les métaux, beaucoup l’argent et le métal argenté, pour toute l’orfèvrerie de table mais également le cuivre parfois et même, sur demande, l’aluminium. Il crée des théières, des cafetières, des chocolatières, des décors à appliquer sur différents objets en métal ou pas et il adore ça. Il y a quelque temps, il a réalisé, en aluminium, pour un artiste suisse reconnu, Markus Egli, une armée d’Hominiums, petites figurines à la posture raide, qui jouent sur le contraste des matières, l’aspect brut et rugueux du corps combiné à la figure polie. En vit-il? Hélas, non! Sans un second job, notre Mohican ne s’en sortirait pas.

Gold’Or: Comment et pourquoi avez-vous choisi l’orfèvrerie?

Lionel Burri: Mon père est orfèvre, désormais à la retraite. Il avait déjà l’atelier et une boutique à Vevey. Je suis né là-dedans et j’ai toujours bricolé avec les métaux et le bois. Il m’a formé quand il s’est agi de choisir un métier. Quand j’ai passé mon CFC, j’ai dû me rendre chez un expert en Suisse allemande, M. Fumagalli. Il n’y avait pas d’autre candidat que moi ! J’aime ce métier car on y travaille encore comme dans l’Antiquité. On plie le métal, on le forge, on le martèle comme des milliers d’orfèvres l’ont fait depuis la nuit des temps.

Gold’Or: Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin?

Ni l’amour du métier, ni le réveil pour le moment! Je suis un tout jeune papa. Ma fille Freyja, est née il y a quelques petites semaines, alors … Je la regarde dormir, je la vois grandir et je l’entends pleurer!

Special_Quelques-questions-à-Lionel-Burri_Atelier Special_Quelques-questions-à-Lionel-Burri_Deux-théières Special_Quelques-questions-à-Lionel-Burri_Machine-pour-réemanchaner-les-couteaux
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Avec cette machine qui permet de réemmancher les couteaux avec de l’étain, le nettoyage de ces ustensiles devient plus aisé. Néanmoins, il n’est jamais conseillé de mettre vos couteaux au lave-vaisselle.

Gold’Or: Comment avez-vous trouvé votre atelier?

Je l’ai simplement repris de mon père. Du coup, j’ai beaucoup de matériel, des formes en bois, des décors glanés au fil des ans, des chalumeaux du plus petit au plus grand, des polisseuses, des bacs d’argenture, des dessins que j’épingle un peu partout, et beaucoup d’objets réalisés de mes mains ainsi que quelques créations, souvent exécutées en métal argenté pour des raisons économiques. Le travail d’orfèvre est très salissant et c’est une gageure de maintenir un atelier le plus propre possible.

Gold’Or: Travaillez-vous à l’ancienne ou avec la technologie moderne?

À l’ancienne, sans aucun doute ! Le métier d’orfèvre est l’un des plus anciens du monde. Au départ, il travaillait tous les métaux pour la table, la religion et autres. Je continue, comme il y a des siècles, à repousser le métal sur des formes, à le recuire, à le marteler, etc.  Ensuite, les bijoutiers se sont octroyés le monopole des bijoux. Je m’intéresse aussi à la bijouterie en autodidacte et je trouve ça très sympa. Néanmoins, les techniques bijoutières récentes ne sont pas réellement transmissibles à l’orfèvrerie. Peut-être la soudure au laser? Faudrait tester …

Gold’Or: Êtes-vous écolo?

Bien sûr ! D’autant que je restaure énormément. Combien de couteaux démanchés ai-je rendu comme neufs. J’ai une machine spéciale qui me permet de faire ce travail délicat. Sur un couteau, la lame est en acier et doit venir se ficher dans le manche dont la partie en argent ou argentée est assez fine. Actuellement, on le remplit d’étain, le plus couramment. Une fois restaurés, les couteaux sont repartis pour vivre 100 ans! Pas mal de travail aussi pour décabosser des objets, théières, cafetières, etc. Je réargente également couverts et objets.

Gold’Or: Comment qualifieriez-vous votre style?

En orfèvrerie, on fait beaucoup de «néo», on réutilise une forme ou juste des décors «anciens». Je suis assez passionné de science-fiction et mes théières sont inspirées des soucoupes volantes. Je travaille sur les graines et les anses et comme j’aime travailler le bois, je me fais plaisir!

Gold’Or: Comment voyez-vous l’avenir de votre métier?

Je pense que l’Intelligence Artificielle (IA) remplacera pratiquement tout. Alors, l’avenir de l’homme sera «artistique» ou ne sera que robotisé. La vie doit avoir un sens, le travail doit être une occupation.

Catherine De Vincenti

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